Tous les dômes phonolitiques de l’Emblavès et du bassin de Saint-Julien-Chapteuil, les Sucs, sont couverts de forêts de résineux, pins, sapins ou épicéas, éventuellement de petites forêts de hêtres.
Le Mont Chabrier, situé sur la commune de Queyrières, est une exception puisqu’il est en grande partie recouvert de bouleaux, ce qui est bien visible à l’automne. Pourquoi ?
Faisons un détour par le dôme de la Tortue…
La Tortue est un gros dôme de phonolite recouvert par des éboulis à gros blocs, difficilement colonisés par des pins qui ont bien du mal à s’installer.
Pourtant la crête, envahie par les genêts, réserve quelques surprises. De vieux arbres calcinés témoignent d’un incendie qui a ravagé le sommet en 2003 et les seuls arbres qui se sont installés par la suite sont des bouleaux…
Arbres calcinés et jeunes bouleaux au sommet du dôme de la Tortue…
Pourquoi des bouleaux ?
Après l’incendie le terrain n’a pas été recolonisé par les pins qui se trouvent alentour, mais par des bouleaux.
Ils sont arrivés là par des graines. En effet le bouleau produit des graines très nombreuses, petites et légères qui se disséminent facilement par le vent.
Il se contente de sols très pauvres et pousse vite si la lumière est suffisante : il occupe alors rapidement le terrain et prend l’avantage sur les pins.
Graines de bouleau, ailées, facilement amenées par le vent sur des zones nouvellement dégagées…
Le Mont Chabrier ravagé par un incendie…
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Sur la photo d’archives de 1963 le flanc sud du Chabrier, dénudé, porte les traces d’un incendie qui a ravagé plusieurs hectares de forêt en 1962, menaçant habitations et terres agricoles et qui est resté dans la mémoire locale.
L’origine du feu semble être un feu de camp de bivouac. Il en est d’ailleurs de même pour un nouvel incendie cet été 2024 au sommet de la Tortue, heureusement rapidement maîtrisé. Celui de 2003 serait plutôt dû à la foudre.
La recolonisation est rapide puisque 15 ans après on voit très nettement la forêt de jeunes bouleaux sur la face sud :
Mais soixante ans après l’incendie ?
En se développant sur des sols dénudés, les bouleaux améliorent progressivement les conditions du sol, notamment en apportant de la matière organique à travers leurs feuilles mortes. Cela permet à d’autres espèces plus exigeantes de s’installer par la suite… sauf qu’une pente d’éboulis à gros blocs est très difficile à coloniser et la forêt de bouleaux n’a toujours pas laissé la place aux pins ou aux sapins…
Dans la région les forêts se sont progressivement installées à partir de la fin de la dernière glaciation et ont donc pu évoluer pendant plusieurs milliers d’années ! Il faut laisser le temps au temps…
Mais les bouleaux, essences des régions boréales et tempérées, sont très sensibles au réchauffement climatique et on peut s’attendre à un déplacement de leur zone de répartition vers le nord.
Il esemble donc difficile de prévoir l’évolution de la forêt du Mont Chabrier….
Mes plus chaleureux remerciements vont à Timothé Lhoste pour les renseignements fournis et à Danièle et Laurent Carraro qui ont donné de leur personne pour me guider au sommet de la Tortue (-:
Nous avons pu le remarquer justement hier car comme tu le dis il se démarque particulièrement en cette saison ! Magnifique suc coloré 🙂
Merci pour ces explications passionnantes